Lettre aux
organisations et personnes en France, octobre 2013

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En Octobre 2013, le Comité de soutien à Hassan Diab a envoyé la lettre suivante aux organisations de la société civile et aux particuliers en France. La lettre vise à les informer sur les faits importants dans le cas du Dr. Diab, et de souligner les questions d’équité, l’application du procès en bonne et due forme et les droits humains en jeu dans le cas de Hassan.



«Ma vie a été bouleversée à cause d’allégations
et de soupçons infondés. Je suis innocent
des accusations portées contre moi.
Je ne me suis jamais engagé dans le terrorisme.
Je n’ai jamais participé à des attentats terroristes.
Je ne suis pas un antisémite.
J’ai toujours été opposé au fanatisme et à la violence.»

Dr. Hassan Diab, s’exprimant lors d’une conférence de presse à Ottawa, Canada

Nous vous écrivons pour demander votre aide, afin de faire connaître le sort de M. Hassan Diab, professeur d’université et citoyen canadien d’origine libanaise qui vit à Ottawa, Canada [1]. Les autorités françaises demandent l’extradition de M. Diab du Canada pour l’interroger au sujet de l’attentat de la rue Copernic, perpétré en 1980 à Paris, près d’une synagogue. La demande d’extradition est fondée sur des renseignements provenant de sources inconnues, et sur une analyse de l’écriture manuscrite qui a été discréditée par des experts en écritures internationalement reconnus dans leur domaine. Bien que le Dr. Diab n’ait été inculpé d’aucun crime, il a été emprisonné en 2008 et vit désormais en résidence surveillée dans des conditions très difficiles.

M. Diab est innocent de ce crime. Il n’était pas en France au moment de l’attentat de la rue Copernic. Ses empreintes digitales et palmaires ne correspondent pas à celles du suspect [2]. Hassan a toujours été opposé au fanatisme et à la violence. Il n’a aucun casier judiciaire, nulle part dans le monde. Il est la victime d’une erreur d’identité.

Contexte

En novembre 2008, le Dr. Diab a été arrêté par la police canadienne à la demande des autorités françaises, et mis en prison. En juin 2011, après une longue audience d’extradition, le juge canadien a décidé de soumettre le Dr. Diab à l’extradition. Pourtant, il avait jugé que les preuves contre Hassan étaient «très problématiques» et «faibles», que « les perspectives de condamnation dans le cadre d’un procès équitable semblent peu probables », mais que son interprétation du droit de l’extradition du Canada ne lui laissait pas d’autre choix que de soumettre Hassan à l’extradition [3]. Les preuves contre Hassan sont si fragiles qu’elles ne répondent pas aux normes canadiennes de mise en examen, et qu’elles n’auraient jamais abouti à un procès au Canada.

Plusieurs mois après la décision du juge, les autorités françaises ont révélé que le dossier n’était encore qu’au stade de la collecte de preuves, et qu’aucune décision n’avait été prise quant à une mise en examen ou non de M. Diab. Au contraire, les enquêteurs français disent ne le rechercher qu’à des fins d’enquête. Malgré cette révélation, en avril 2012, le ministre canadien de la Justice a signé un ordre condamnant Hassan à l’extradition [2].

Un appel contre l’extradition de M. Diab sera entendu par la Cour d’appel de l’Ontario en Novembre 2013. En attendant, Hassan continue à vivre en résidence surveillée, avec des conditions de mise en liberté très strictes, qui incluent le paiement de environs 2000 $ par mois pour un bracelet électronique qu’il doit porter tout le temps [4].

Pourquoi le dossier contre M. Diab manque de substance?

Informations des Services de Renseignements

Le dossier contre M. Diab est basé sur des informations secrètes provenant de sources inconnues. Personne, pas même le juge d’instruction français, ne connaît ces sources. Human Rights Watch a reproché aux tribunaux antiterroristes français de s’appuyer sur des renseignements secrets à titre de preuves, même quand il y a un risque réel qu’ils aient été obtenus sous la torture à l’étranger [5, 6].

Dans son témoignage à l’audience d’extradition de M. Diab, un professeur de droit de l’université de Toronto, également expert dans la lutte contre le terrorisme, avait exprimé sa préoccupation quant au fait que les enquêteurs français aient trié les informations qui confirmaient leur thèse, tout en ignorant d’autres renseignements qui exonéraient Hassan. Ce même expert avait jugé qu’il serait dangereux de priver Hassan de sa liberté en s’appuyant sur des renseignements secrets, qui ne peuvent être ni examinés ni contestés devant un tribunal [7].

Analyse imparfaite de l’écriture manuscrite

Le seul élément de preuve sur lequel le juge d’extradition canadien a fondé son ordonnance de renvoi était le rapport d’un expert français en écritures manuscrites. Le rapport a comparé l’écriture de M. Diab à cinq mots écrits sur la fiche d’enregistrement d’un hôtel parisien en 1980. Au cours de l’audience d’extradition, trois experts en écritures de renommée mondiale, d’Europe et d’Amérique du Nord, ont montré que l’expert français avait utilisé une méthode d’analyse pleine de failles, qui a donné lieu à des conclusions n’ayant aucune fiabilité. Le juge d’extradition canadien a également trouvé que le rapport était «très problématique», «très compliqué», «très confus» et «avec des conclusions suspectes» [2]. Au cours d’une audience récente, deux autres experts européens en écritures ont témoigné que l’expertise française était défectueuse et peu fiable.

Il est important de noter que cette expertise en écriture, pleine de failles, est arrivée après deux précédents rapports soumis par les enquêteurs français, qui avaient conclu qu’il existait une correspondance entre l’écriture de M. Diab et celle du suspect. Cependant, ces rapports ont été retirés du dossier lorsque les experts de la défense ont découvert que les échantillons utilisés dans l’analyse de l’écriture n’avaient pas été écrits par le Dr. Diab, mais par une autre personne [2].

Le cas de Hassan Diab rappelle de manière saisissante la tristement célèbre affaire Dreyfus qui a eu lieu en France à la fin du 19ème siècle. Alfred Dreyfus, un officier d’infanterie juif, a été condamné à la prison à vie à partir de renseignements provenant de sources inconnues, et d’une expertise en écriture pleine de failles. Il a subi deux procès et a été condamné à tort par deux fois. Grâce au travail de nombreux soutiens, en France et à l’étranger, il a finalement été innocenté.

Pourquoi le Dr. Diab se bat contre son extradition?

S’il était extradé vers la France, le Dr. Diab serait arraché à sa famille pour languir en prison, peut-être pendant des années, tandis que les autorités françaises continueraient une enquête vieille de 33 ans, pour un crime qu’il n’a pas commis.

Des experts du système judiciaire français ont informé M. Diab qu’il lui serait très difficile de montrer les failles de l’expertise française en écritures manuscrites, et qu’il ne pourra pas non plus contester les renseignements secrets du dossier. Tribunaux antiterroristes français ont des antécédents documentés d’accepter des renseignements secrets à titre de preuve, même quand il y a un risque réel qu’ils aient été obtenus sous la torture à l’étranger [5, 6].

Il lui serait également difficile de présenter d’autres preuves pour sa défense (comme le fait que ses empreintes digitales et palmaires ne correspondent pas à celles du suspect), parce que le tribunal de première instance s’appuiera sur les éléments déjà versés au dossier par le juge d’instruction [8].

Hassan a affirmé à plusieurs reprises qu’il était prêt à répondre aux questions des autorités françaises au Canada. Il a également proposé de passer au détecteur de mensonge, mais ses offres n’ont reçu aucune réponse [9].

Un large soutien de la communauté

Nous demandons votre aide pour faire connaître le sort de M. Hassan Diab et informer le public français de cette affaire injuste. N’hésitez pas à diffuser cette lettre auprès d’organisations et d’individus qui devraient prendre connaissance du dossier de M. Diab.

D’importantes organisations de la société civile canadienne ont publiquement exprimé leurs préoccupations au sujet du processus d’extradition abusif et oppressif auquel M. Diab est soumis:

  • L’Alliance de la Fonction publique du Canada
  • Amnesty International
  • L’Association des libertés civiles – Région de la capitale nationale
  • L’Association des libertés civiles de la Colombie Britannique
  • L’Association canadienne des libertés civiles
  • L’Association canadienne des professeures et professeurs d’université
  • La Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles
  • Le Comité justice sociale des Soeurs Auxiliatrices
  • Le Groupe européen pour l’étude de la déviance et du contrôle social
  • La Ligue des droits et libertés
  • Le Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier
  • Le Syndicat canadien des travailleurs et travailleuses des postes
  • Le Syndicat national des employées et employés généraux et du secteur public
  • Les Unitariens canadiens pour la justice sociale

En outre, des milliers de Canadiens ont signé des pétitions et écrit à leurs députés et au ministre canadien de la Justice en soutien à M. Diab. Ils ont envoyé des lettres aux médias et participé à des manifestations pour exprimer leur indignation face à cette injustice. Ils demandent également une réforme du droit de l’extradition du Canada, qui autorise que des citoyens soient remis à d’autres pays sur la base de preuves fragiles qui ne répondent pas aux normes canadiennes de mise en examen.

Malheureusement, le public français semble largement ignorer cette affaire, notamment les incohérences du dossier qui sont expliquées dans cette lettre.

La justice doit être rendue dans l’affaire de la rue Copernic. Mais des poursuites fondées sur des informations secrètes provenant de sources inconnues et des expertises de mauvaise qualité ne peuvent pas conduire à la vérité. Nous devons faire en sorte que les véritables auteurs de ce crime soient traduits en justice.

Faire payer un innocent pour un crime qu’il n’a pas commis ne fera qu’aggraver la tragédie.

Pour plus d’informations sur le dossier de M. Diab, n’hésitez pas à contacter:

Le comité de soutien à Hassan Diab
http://www.JusticeForHassanDiab.org
diabsupport@gmail.com

Octobre 2013


 

Références

[1] Le site web Justice pour Hassan Diab:
http://www.justiceforhassandiab.org

[2] « Diab lawyer slams extradition order as ‘dangerous new low’ », The Ottawa Citizen, le 13 avril 2012.
http://www.justiceforhassandiab.org/wp-content/uploads/2012/09/ottawa_citizen_20120413.pdf

[3] « The complex case of Hassan Diab », The Ottawa Citizen, le 10 juin 2011.
http://www.justiceforhassandiab.org/wp-content/uploads/2011/07/ottawa_citizen_20110610b.pdf

[4] « Diab committed for extradition in Paris synagogue bombing case », The Ottawa Citizen, le 7 juin 2011.
http://www.justiceforhassandiab.org/wp-content/uploads/2011/07/ottawa_citizen_20110607a.pdf

[5] « Preempting Justice: Counterterrorism Laws and Procedures in France », Human Rights Watch, 2008.
http://www.hrw.org/reports/2008/07/01/preempting-justice-0

[6] « No Questions Asked: Intelligence Cooperation with Countries that Torture », Human Rights Watch, 2010.
http://www.hrw.org/reports/2010/06/28/no-questions-asked-0

[7] « Terrorism evidence against former Ottawa professor ‘unreliable,’ court hears », The Ottawa Citizen, le 24 novembre 2010.
http://www.justiceforhassandiab.org/wp-content/uploads/2010/12/ottawa_citizen_20101124b.pdf

[8] « The Investigation and Prosecution of Terrorist Suspects in France», Jacqueline Hodgson, Faculté de droit, Université de Warwick, 2006.
http://www2.warwick.ac.uk/fac/soc/law/staff/academic/hodgson/publications/horeportfinal2006.pdf

[9] « Ottawa prof offered to take lie-detector test », The Windsor Star, le 6 août 2011.
http://www.justiceforhassandiab.org/wp-content/uploads/2013/03/Windsor_Star_20110806.pdf